22.5.06

L’Ecran noir

Il fut réveillé au milieu de la nuit par le martèlement de la pluie sur les carreaux et le sentiment d’avoir oublié quelque chose en bas dans la cour, sur le pavé mouillé par l’averse. Il ne comprit pas tout d’abord d’où venait le bruit qui habitait son crâne. Un marteau-piqueur, la roulette d’un dentiste, une perceuse à percussion, un bombardement. La veille, il avait abusé. La pluie, seulement… la verrière… amplifie le bruit... la sensation de chaleur moite l’avait mis sur la voie. Comment avait-il pu reprendre connaissance si tôt avec ce qu’il tenait ? Il aurait dû dormir profondément. Impossible cependant de soulever une paupière, même pour regarder l’heure. A quoi bon ? Il se sentait plongé dans un noir complet. Ce bruit dans sa tête, et cette inquiétude sourde qui ne le quittait pas. La cour… la voiture ?... chaleur atroce… ouvrir la fenêtre… mais l’eau ?... va rentrer… Incapable du moindre mouvement. Les membres lourds. La pensée entravée. Il avait bien eu envie de tuer son assistant, hier. Mais rien dans le coffre, sûr, pas de bout de cravate qui dépasse… Aucun souvenir d’une enveloppe de billets sur le siège arrière… L’anneau nuptial ?… Pourquoi cette cour ?... Le voisin d’en face ?... Il n’avait pas la force de se retourner pour se libérer de ces pensées… Alma dormait à poings fermés. La pluie… ou alors le bruit des talons aiguilles d’une garce blonde ?... coups de becs de volatiles ?… Pas oublié la momie de sa mère sur le pavé en la remontant de la cave… Il se souvenait d’un enterrement… Paix à son âme… Tranquille et accablé, Sir Alfred Hitchcock se rendormit.

Sophie Spandonis