Crotte, il avait oublié quoi encore. Sa trottinette dormait avec lui dans le lit et son ballon de football regardait la lune par la fenêtre. Sa mère avait bien vérifié, il avait tous ses vêtements quand il était remonté de la cour où il avait joué avec ses copains tout l’après-midi. Alors quoi, je sais pas, répondit-il au silence dans la nuit, mais il pleut, je redescendrai pas. Tu devrais, lui rétorqua le ballon de football, parce que t’as vraiment oublié quelque chose en bas. Quoi ? demanda-t-il en se boulant sous les couvertures, je te le dirai pas, rétorqua le ballon, c’est à toi d’aller voir. Il essaya de se rendormir mais il n’y arriva pas. Il sentait qu’il avait oublié quelque chose mais quoi, et la curiosité s’était mise à le titiller. Il sortit du lit, prit ses bottes de caoutchouc, enfila son ciré sur son pyjama et sortit de la chambre, ses bottes à la main. Dans leur chambre, les parents ronflaient, et le bébé, à côté d’eux dans son berceau, poussa un gémissement de chiot. Il descendit les escaliers de l’immeuble, et arrivé en bas, il enfila ses bottes. Il poussa la porte qui donnait sur la cour, reçut du vent mouillé… et un spectacle inouï s’étala sous ses yeux. La mer de ses vacances dansait devant ses yeux, sous la pluie. Les vagues faisaient des montagnes comme ses jambes sous les draps quand il s’amusait, monter, descendre, monter, descendre. Il y avait un petit bateau de pécheur qui roulait sur les vagues et dedans, il y avait un vieux monsieur avec un ciré jaune comme lui. C’était son grand-père, qui était mort le mois dernier dans le lit qu’il habitait à l’hôpital. Te voilà enfin garçon, lui dit-il, et il lui tendit la main, viens, monte avec moi. Et il monta dans la barque avec son grand-père.
Marie Chotek